Vous connaissez tous la proposition sur laquelle vous tombez lorsque vous payez vos courses : « Souhaitez-vous arrondir à l’euro supérieur pour une association ? ». En réalité, ces sommes vont directement aux actionnaires des sociétés.
Depuis quelques années, les firmes s’associent avec des œuvres caritatives diverses pour reverser des sommes permettant aux associations de vivre. Pour la Croix Rouge, les Restos du Cœur ou encore la SPA, nombreux sont les commerces qui proposent, lorsque vous payez par carte bleue, d’arrondir vos montants à l’euro supérieur et de donner la différence à ces associations. Cette opération est d’ailleurs un grand succès puisque 86% des Français disent avoir déjà cliqué sur le petit bouton vert pour accepter de réaliser ce don.
Un geste noble, pour une cause noble, sur le papier.
Après quelques suspicions provenant des associations, qui estimaient ne pas percevoir davantage de fonds qu’auparavant de la part des entreprises, nos équipes ont mené l’enquête afin de vérifier si ces euros arrondis terminaient bien sur les comptes des associations. Pour ce faire, nous avons demandé à Sylvain Dubuis, expert-comptable depuis 2002, de nous épauler dans nos recherches.
En examinant les bilans comptables des grandes surfaces, qui recevaient la majorité de ces dons de la part des consommateurs, nous n’étions pas au bout de nos surprises.
Un compte comptable d’affectation sous la dénomination « FDPD ».
En comparant, dans les bilans et les balances comptables des sociétés, les écarts entre les ventes - produits vendus lors du passage en caisse des usagers - et les règlements clients par carte bleue - montant réellement versé en caisse par le consommateur - nous avons pu déduire la somme perçue par cette notion d’arrondi à l’euro supérieur.
Si nous retrouvons bien ces montants inscrits au bilan pour une coquette somme - si 1 million de consommateurs arrondissent leur paiement pour une moyenne de 50 centimes, on vous laisse faire le calcul - nous ne retrouvons aucune trace de la sortie de ces montants. Mais après avoir remonté les différents jeux d’écritures comptables, dont on vous passera les détails, nous nous apercevons que ce même montant est inscrit au compte dont la dénomination est mystérieuse : « FDPD ».
Quelques investigations plus tard, et grâce à l’aide d’une personne au sein de la firme, nous apprenons que ce nom correspond à « Fonds de Placement pour Dividendes ». Et ce compte, dont la dénomination laisse transparaître son utilisation, se répercute bien sur l’affectation du résultat lors du versement des dividendes aux actionnaires.
Vous l’aurez compris : lorsque vous arrondissez vos montants à l’euro supérieur, vous rémunérez en réalité les actionnaires de la société !
Interrogé par notre rédaction, le chargé de communication de la grande surface en question s’est défendu : « Nous choisissons peut-être d’enrichir des personnes au détriment d’autres, mais nous croyons fort en la théorie du ruissellement, et si les actionnaires deviennent riches, ils pourront enrichir d’autres personnes autour d’eux, qui pourront être assez aisés à leur tour pour faire des dons aux associations. ». Une défense bancale ?